interview by Laure Etienne
LAURÉATE DU NOUVEAU PRIX DÉCOUVERTE (FR)
Samedi soir, ont été dévoilé les noms des deux lauréates de la nouvelle formule du Prix Découverte des Rencontres d’Arles, soutenu par la Fondation Louis Roederer et Polka. Paulien Oltheten remporte le prix du jury doté de 15.000 euros sous forme d’acquisition d’œuvres. L’artiste néerlandaise, dont la candidature a été proposée par la galerie parisienne Les Filles du calvaire, a été choisie pour son travail sur La Défense. Le prix du public est revenu à la Polonaise Wiktoria Wojciechowska. Leurs travaux sont exposés jusqu’au 23 septembre à Arles.
Quel effet cela vous fait-il de remporter ce prix?
Paulien Oltheten J’étais surprise de gagner car je suis nouvelle ici. C’est la première fois que je me rends à Arles, donc je ne savais pas trop à quoi m’attendre. J’ai exploré le festival et compris petit à petit ce que cet événement offre au public, mais aussi aux photographes et aux artistes. J’étais déjà très heureuse qu’au fil de la semaine d’ouverture de plus en plus de gens voient mon travail, d’avoir des retours positifs, mais j’ai été aussi vraiment reconnaissante envers les Rencontres d’Arles qui m’ont offert la possibilité d’exposer ce travail sur Paris, donc sur la France, dans le pays où il est né.
Pourquoi le quartier de La Défense a-t-il particulièrement retenu votre attention?
Normalement, dans la “street photography”, vous marchez dans la rue et vous tombez sur LE moment. Mais à La Défense, les routines sont très présentes, très fortes. Tous les jours à 8 heures, il se passe la même chose. La première fois que j’y suis allée, je me suis dit que c’était le paradis pour moi. C’est comme une boucle d’actions. Pour la première fois, je pouvais m’arrêter, rentrer à mon atelier et revenir au même moment le lendemain et continuer là où j’avais laissé les choses la veille. Il y a des petites différences, mais la grande mécanique reste la même. Au fur et à mesure, j’ai construit ma propre routine tout en essayant d’y intégrer de nouveaux chemins. Certains jours, j’avais de la chance, d’autres pas. Mais j’avais le temps.
Comment avez-vous imaginé la série “La Défense, le regard qui s’essaye” qui mêle photographie de rue et vidéo?
J’ai commencé ce travail lors d’une résidence que j’ai faite l’année dernière à la Cité des Arts. J’ai postulé pour celle-ci car je voulais aller à Paris. C’est une ville qui a une longue histoire de “street photography” et j’ai également beaucoup étudié les situationnistes notamment Guy Debord qui a inventé le concept de “dérive”, où l’on suit l’énergie d’une ville. Ce courant a été initié à Paris.
Dès le départ, j’avais l’idée de m’intéresser aux habitudes quotidiennes des gens au sein d’un espace public. J’ai commencé à explorer des lieux traditionnels de la capitale française comme les abords de la Seine ou les parcs, mais je suis assez rapidement arrivée en périphérie, en banlieue et notamment à La Défense. Et peu à peu, une sorte d’histoire a commencé à émerger.
Après trois mois de résidence, j’ai été invitée à participer à une soirée au cours de laquelle je devais intervenir. J’aurais pu parler de mes précédents travaux, mais j’ai profité de cette opportunité pour parler de ce que j’étais en train de réaliser. J’ai travaillé pendant deux semaines sur le matériel que j’avais déjà et je l’ai présenté. Ça s’est avéré être l’essence de la performance qui est maintenant aux Rencontres d’Arles. J’ai donc continué à travailler dessus comme une performance live, dont j’ai donné une représentation à Marta Ponsa, qui est devenue la commissaire de l’exposition à Arles. Elle m’a demandé de participer au programme de soirées du Jeu de Paume, en marge de l’exposition du photographe néerlandais Ed van der Elsken. C’est à la suite de cet événement que j’ai rencontré les gens de la galerie Les Filles du calvaire et nous avons décidé de proposer le projet pour le Nouveau Prix Découverte avec l’idée que si le projet était retenu nous transformerions la performance en installation vidéo.
Comment êtes-vous passé à la vidéo et que raconte-t-elle?
C’est la première fois que je bascule d’une performance live à une installation vidéo. C’était un vrai challenge pour moi. Pendant quatre mois, j’ai beaucoup travaillé pour trouver le bon format. Je me suis entrainée car je n’avais jamais parlé devant une caméra. J’ai voulu tout faire, sans équipe, juste moi et la caméra. Pour moi c’était la façon la plus pure de passer de l’une à l’autre forme.
La vidéo est une explication de mon travail, c’est en fait la narration. Il n’y a pas si longtemps, je pensais que les personnes que je photographiais étaient les protagonistes de mes projets. Mais j’ai réalisé que c’était en fait moi qui en étais le personnage principal. Car je suis celle qui connecte les histoires, qui lie les gens au sein d’un récit. D’habitude, j’utilise plutôt des notes, des petits textes ou de courts commentaires vidéo. Mais là, je suis physiquement présente dans la vidéo. Ma présence a grandi.
A voir: “La Défense, le regard qui s'essaye”, exposition de Paulien Oltheten, à Ground Control, dans le cadre des Rencontres d'Arles, jusqu'au 23 septembre.
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